
Témoignages
Roger Mambour, garde-champêtre
Depuis la réorganisation de la nouvelle police, des Bousvaliens souhaitaient que l'on interroge Roger Mambour, ancien policier de Bousval, appelé champêtre à l'époque. Comment cela se passait-il dans le village de Bousval à l'époque ? Il nous raconte sa vie de « champêtre » « dans le temps ». Roger Mambour nous reçoit dans son salon et nous parle de sa vie de champêtre à Bousval de 1959 à 1979. Il est intarissable et nous l’écoutons pendant deux heures passionnantes sans épuiser le sujet.
Première question : comment devient-on champêtre ?
C'est le cheminement de sa vie qui l'aura conduit à cette vocation. Dans sa jeunesse, Roger vivait dans l’épicerie « Chez Cléricy » située en face de l’église ; son père en avait hérité de son beau-frère peu avant la Première Guerre.
A partir de 1936, Roger fait son service militaire chez les gardes-frontière (béret bleu avec un insigne en forme de roue). C’était un bataillon d'élite, une sorte de commando. Lors de cette période troublée de l’avant-guerre, il est rappelé quatre fois. Son bataillon était en première ligne entre la ville de Liège et le canal Albert, le long de la frontière.
A l’aube du 10 mai 1940, la Belgique subit l'invasion allemande. Ce jour-là, Roger Mambour a beaucoup de chance ; il échappe à la violence de la première offensive qui fait de nombreuses victimes parmi ses compagnons du bataillon. Il rejoint Wavre à vélo et décide de passer par Bousval pour voir ses parents. Dans le village, pratiquement toute la population est partie sur les routes de l'exil. II ne trouve que des soldats français bivouaquant dans les environs de la place Communale.
Tout à coup, un avion allemand survole la place et largue une bombe qui tombe sur sa maison. Dans le salon, Roger est projeté contre un mur par la déflagration. Il se ressaisit, réalisant sa chance d’être encore en vie ; sa maison est complètement démolie mais il est sain et sauf ! Il décide à son tour de partir vers le sud rejoindre le reste des troupes belges.
II roule à vélo vers le midi de la France (sans pompe et surtout sans avoir crevé une seule fois !). Arrivé aux environs de Pont-Saint-Esprit, il est incorporé dans un régiment français. Là, il apprend la capitulation de la France.
Roger et un autre soldat belge décident de retourner en Belgique, à Bousval, à pied car les officiers français ont réquisitionné leurs vélos. Après une heure de marche, coup de chance : une voiture militaire belge remonte vers le nord, occupée par son seul chauffeur. Elle devait conduire des officiers belges à une négociation avec les autorités allemandes mais elle était tombée en panne et les réparations avaient pris la journée et la soirée. Le chauffeur peut dès lors les embarquer tous les deux.
Dans le nord, ils prennent un train pour Bruxelles d’où son copain continue vers Liège. Il ne recevra jamais de ses nouvelles bien qu’il lui ait donné son adresse ... Roger prend le tram jusqu'à Maransart et rejoint ensuite Bousval à pied par le pavillon de Bal.
Entretemps, ses parents sont aussi revenus à Bousval ; ils ont déjà entamé la reconstruction de leur maison sous la direction de l'architecte Léon Jaumotte et avec l'entreprise Léon Catelain.
A l'initiative de l'architecte et profitant d'une opportunité intéressante, des tuiles vertes sont utilisées pour le toit, ce qui rend cette maison - encore de nos jours *– un peu particulière.
Après la fin de la guerre, en 1945, l’administration communale a besoin d'aide pour la distribution des timbres du rationnement. Roger Mambour avait l'expérience de la gestion et des timbres de fidélité du magasin.
Il est engagé pour gérer cette tâche. Là, il réalise qu’un métier au service de la population pourrait lui plaire.
Par exemple, il s'efforce de minimiser la longueur des files d'attente, il arrive tôt le matin afin de servir les premiers arrivés pour éviter la formation de files inutiles. Ensuite, il reprend le magasin de son père, passé entretemps sous l'enseigne « Bien-être ».
Victor Borremans, le champêtre de l'époque, sera bientôt à la pension. Roger passe les examens pour la réserve de recrutement. Il est nommé sans aucun problème car son passé d'ancien combattant lui donne la priorité. La journée du champêtre commence vers 8 h 30 à la maison communale. Après avoir reçu le courrier des mains du maïeur Georges Gossiaux ou du secrétaire communal Joseph Ghislain, il entame sa tournée.
Pas de gros problèmes à cette époque, juste des conflits de voisinage ! Par exemple, si l’un se plaint des dégâts causés par les bêtes du voisin, Roger demande une estimation des dommages. dont il réclame la contrepartie au responsable ; très souvent, celui-ci paie sans discuter et on arrive rarement au tribunal.
C'est le dialogue qui est son arme principale. Pour résoudre des problèmes de couple, violents parfois, il écoute les deux parties et essaie de recoller les pots cassés. Bien sûr, Roger s’occupe aussi de régler la circulation comme lors des processions.
Le conseil communal se passe sans aucun incident, jamais de manifestants à évacuer ! Par ailleurs, Roger est passé maître dans les exercices de tir grâce à son calme et son sang-froid. L'entraînement a lieu six fois par an à Nivelles et un concours est organisé une fois par an au Tir national à Bruxelles Il y est classé 5e sur cent candidats.
Parmi les anecdotes, citons cette « aventure » qu’entraîna le problème des chardons qui envenime les relations entre voisins. Le règlement de la police rurale est impératif : tout propriétaire doit les couper avant qu'ils ne fleurissent et que les semences ne se répandent chez les voisins.
L’un d’entre eux se montre récalcitrant ; après plusieurs PV et avertissements, Roger n'obtient pas satisfaction. Il décide alors de les pulvériser lui-même ! Voilà que le propriétaire est mis au courant et que, par pure malveillance, il entame une procédure auprès des autorités de tutelle ! Roger reçoit un blâme du Gouverneur pour excès de conciliation !
Au début, il circule à vélo ; il achète ensuite un vélomoteur à Court-Saint-Etienne. A son retour, Roger, très prudent, traverse à pied la chaussée provinciale à Mérivaux. Il est injurié par un passant : « Vos astè trop vi » (Vous êtes trop vieux).
Quelques semaines plus tard, quelle n’est pas sa surprise de devoir établir le PV d'un accident au carrefour du centre de Bousval pour le même énergumène !
Quelque temps après, c'est au volant d’une Citroën 2CV bleu clair que le champêtre sillonnera les routes de Bousval.
A la fusion des communes, Roger intègre l’équipe des quatre ( !) policiers du grand Genappe. Il s'arrête à 62 ans après 20 années de service. Pour Roger, ces 20 ans ont passé bien vite : maximum 4 ans dans sa tête !
Dans un village, on est de garde 24 heures sur 24. On pouvait "toquer" à la porte à toute heure du jour et de la nuit.
Ce sera le mot de la fin. Pour Roger, Bousval était une commune modèle, sans problème. Pour rien au monde, il ne quittera son village. Il n'a retenu de sa carrière que les bons moments, les conflits sont vite oubliés.
Source : P.Olbrechts Le Bousvalien 09/2005
Roger Mambour est décédé en 2014.
* Jusqu’en 2014, année de la rénovation de la maison par Maximilien Vermeiren, son nouveau propriétaire
Gisèle Renders
Depuis quelque temps, nous souhaitons consacrer une rubrique aux souvenirs du passé. Les anciens les évoquent avec la nostalgie des moments heureux ou la mémoire de terribles événements ; ils ont tant de choses à nous apprendre, à nous transmettre, particulièrement aux enfants, aux jeunes et à la génération des jeunes parents actuels.
Ils peuvent nous instruire sur le mode de vie qu’ils ont connu.
Maintenant comme avant, vivre à Bousval (ou ailleurs), y habiter, c’est à la fois se loger, travailler, se déplacer, acheter et se distraire.
Nous allons nous pencher sur la vie pendant la guerre 40-45.
Notre témoin d’aujourd’hui est Gisèle Renders qui connaît le village comme sa poche et qui en sait beaucoup d’anecdotes.
Gisèle est née en 1937, elle a donc 3 ans au début de la guerre. Elle répond ainsi aux cinq questions posées.
Se loger : Gisèle habite avec sa mère et sa soeur au n° 59 de la rue du Château. Son père est prisonnier de guerre en Allemagne. Les relations de voisinage sont très chaleureuses avec une voisine âgée qui lui tient lieu de Bonne-Maman et qu’elle appelle affectueusement Bobonne.
Les meilleurs souvenirs que Gisèle a gardés de cette époque sont ceux de Bobonne, de sa sagesse et de tout ce temps qu’elle consacrait à sa soeur et à elle-même.
Mobilité : à cette époque, tous les déplacements dans le village se font à pied. Dès l’âge de 6-7 ans, chaque matin, avant l’école, Gisèle doit aller chercher du lait à la ferme de La Baillerie. La route n’est bien sûr pas encore asphaltée, elle est recouverte de pavés « tête de moine », des pavés de blanc de marne, assez irréguliers, qui rendent la marche inconfortable.
De retour à la maison, Gisèle part à l’école par le sentier qui traverse l’actuel RAVeL et rejoint la grand-route jusqu’à l’école communale. En été, elle fait le
trajet deux fois par jour car elle rentre dîner à la maison.
Elle fera ce même trajet pendant 7 ans, en sécurité, car
les autos sont très rares ; la piste cyclable, elle, a été
réalisée juste avant 1940.
A l’école : les instituteurs se nomment Madame
Masquelain, Monsieur Hauchart et Monsieur Deltour.
Gisèle se souvient de Madame Masquelain comme d’une
institutrice sévère mais juste. Une anecdote lui a laissé
un souvenir qui la choque encore et on la comprend :
à midi, les élèves reçoivent un bol de soupe. Jacques
Verloot renverse malencontreusement son bol. Croyant
que Gisèle est responsable de cet accident, Madame
Masquelain la punit en l’obligeant à lécher la soupe sur
la table. |
|
Elle garde aussi en mémoire la vilaine brûlure causée
par la buse du poêle à charbon sur laquelle Joseph
Lemmens l’avait poussée.
Elle se rappelle Monsieur Hauchart – un très bon
enseignant, nous dit-elle – et les promenades qu’il
organisait dans le village pour de vivantes leçons
d’histoire et de géographie locales.Plus tard – et Gisèle en garde le souvenir très vif –
c’est Monsieur Deltour qui assurera cette transmission
des connaissances, en lien avec le village.
Quel souvenir aussi, l’accordéon de Monsieur Deltour !
Plus tard, pour aller à l’école secondaire à Court-Saint-
Etienne, Gisèle se déplacera à vélo.
Après la guerre, son père travaillant aux Usines
Henricot, prendra d’abord le train à l’arrêt de Basse-
Laloux et, à partir de 1953, il prendra le bus.
Les neveux de leurs voisines venaient de Bruxelles
au moins une fois par mois. Ils arrivaient en tram et
descendaient à la gare de Maransart d’où ils venaient
à pied par le pavillon de Bal et le fond du Sclage. Ils
rentraient à Bruxelles par le même trajet mais chargés de
provisions pour la semaine.
Les achats : la plupart des achats se font dans le village
sachant qu’un grand potager et un verger fournissent les
légumes, les pommes de terre pour la réserve d’hiver et
des fruits. La viande est achetée à la boucherie en face
de l’église ; pour les achats alimentaires comme le café,
l’huile, etc., les villageois se rendent chez Coop, un
magasin qui se trouvait à l’emplacement de l’actuel café
O’Pélerins. Le pain s’achète chez le boulanger Stuykens-
Léonard, les articles de mercerie, chez le tailleur (vitrine
à côté de l’école Sainte-Marie) et la petite quincaillerie,
chez Mambourg, juste en face de l’église. Pour d’autres
achats, on se déplace à Genappe.
Gisèle se souvient aussi de son voisin qui tenait près de
chez elle le magasin Lido, un commerçant courageux qui
livrait ses légumes en brouette pour utiliser ensuite une
charrette tirée par un cheval et enfin une camionnette.
Les bons moments : rentrée de l’école, Gisèle dépose
son cartable sur les marches de la maison et se dépêche
d’aller se faire « gâter » et cajoler par sa Bobonne,
doux souvenir s’il en est. Gisèle réalise qu’elle a été
très protégée par sa mère et par sa Bobonne car, en
cette période de guerre, elles ne lui parlent jamais des
mauvaises nouvelles ; les sujets abordés sont ceux du
quotidien.
Plus tard, à l’âge de 12-14 ans, Gisèle connaîtra de
bons moments en organisant des promenades pour les
trois filles Balon (Françoise, Nicole et Bernadette) soit
vers la sablonnière rue de la Croix, soit vers le Ry d’Hez.
A cette époque, on se promène dans son environnement
proche et le sentiment de sécurité est quasi total tant la
circulation est faible et la criminalité absente.
Les mauvais moments : Gisèle se remémore la
panique due aux bombardements. A l’école, deux sirènes
différentes « grinçaient » ; c’est par ce mot que Gisèle
exprime l’effet produit sur elle par un son qui signalait
l’imminence d’un danger mortel. L’une des sirènes
annonçait un bombardement très rapproché et on se
plaquait au sol en-dessous des bancs ; lorsque c’était
l’autre sirène qui donnait l’alerte, on savait qu’on avait
plus de temps, on remontait le sentier vers la ferme
Vermeiren pour aller jusqu’à la route derrière le cimetière
et se coucher à plat ventre dans les fossés (à gauche,
les filles et à droite, les garçons). Durant la nuit, aux
premiers bourdonnements, toute la famille se réfugiait
dans un abri-cave sous la maison ; elle y accueillait aussi
des voisins, Elie et Laure Libotte et leurs trois enfants,
dont un bébé de deux mois, et Jules et Yvonne Degraux et
leur fille Andrée ; Yvonne fut garde-barrière du passage
à niveau de Bousval.
Le bombardement de la gare d’Ottignies en juin 1944
est le souvenir le plus terrible évoqué par Gisèle. La
famille s’était réfugiée dans des tranchées creusées en
zigzag dans le jardin. Il faisait clair comme en plein jour
à cause des explosions. Probablement en réaction à la
terreur ressentie, Gisèle fit une réaction violente, elle eut
un accès de faiblesse et elle souffrit d’une furonculose
(42 furoncles !) sur le bas du corps. Le docteur Dethier, le seul médecin du village, lui administra la première
piqûre de pénicilline donnée à Bousval.
Source : P.Olbrechts et M. R. Petitjean Le Bousvalien 05/2015
Jacques Beelen
En 2011, me promenant à Villers-la-Ville lors d'un circuit
organisé par le Syndicat d'Initiative de l'entité, j'ai rencontré
Jacques Beelen. Ce vaillant marcheur, bon pied,>
bon oeil, fut hébergé à l'âge de 12 ans chez Mademoiselle
Tamines au château de Bousval.
Voici ce qu'il m'a raconté concernant ce bref épisode de
sa vie.
Le château de Bierbais (Hévillers) fut donné à l'Etat belge
par une dame américaine à condition d'y héberger des
enfants orphelins de guerre. C'est ainsi que Jacques
Beelen, dont le père est décédé à la guerre, fut placé à Bierbais. Il se souvient très bien des demoiselles, toutes
célibataires, qui s'occupaient des enfants. L'une d'elles fut
Mademoiselle Tamines. Lorsqu'elle dut prendre sa retraite,
elle acheta le château de Bousval et continua ses
activités pour les enfants. Elle y accueillit aussi ceux de
Bierbais qui ne pouvaient y rester durant les vacances
scolaires.
Jacques Beelen se souvient de son séjour au château de
Bousval. Il se rappelle parfaitement la chapelle, les étangs
et deux terrasses tapissées d'orpin en fleurs durant l'été. Il
possédait une carte postale du château datant des années
50 mais il l'a cédée à Freddy Léonard.
Après quelques années, Mademoiselle Tamines a revendu
le château pour habiter Nivelles où elle est décédée.
Source : C. Wibo Le Bousvalien 01/2014
Hélène Denis-Léonard (28.08.1876 - 09.01.1964)
Camille Léonard, la petite-fille d'Hélène Denis-Léonard,
est une Bousvalienne de souche, très attachée à son
village. Elle est très conservatrice et a donc classé et
gardé précieusement le courrier de sa grand-mère,
Hélène.
Celle-ci vivait rue du Château. Elle a eu trois
enfants: Jules, boulanger, Georges, instituteur et Marthe,
institutrice. Hélène et Marthe entretenaient une
correspondance régulière, échangeant chaque semaine des
lettres de quatre pages à la belle écriture fine à l'encre
bleue. Camille nous a confié une de ces lettres datant du
12 août 1939 et adressée par Hélène à sa fille Marthe
nommée dans une école à Gand. La mobilité ne faisait pas
peur aux décideurs à cette époque.
Dans cette lettre de
1939, la maman exprime son souci pour les yeux de sa
fille. Elle voudrait lui communiquer l'horaire de
consultation d'un médecin à Bruxelles; elle connait son
nom, elle sait que la clinique se trouve rue des Cendres
près du "Bon marché", mais comment se renseigner. Il ne
faut pas songer à aller deux fois à Bruxelles en train car
les trajets sont coûteux. Elle lui dit aussi, elle qui est très
croyante, qu'elle prévoit d'aller à Louvain pour prier Saint
Joseph et le père Damien pour sa guérison. Elle parle de
la visite prochaine de sa soeur Maria qui viendra chez elle
de Tangissart, à pied bien entendu (non par plaisir comme
maintenant, mais par besoin) et par les sentiers.
Ensuite, Hélène écrit en détails les récoltes de son jardin.
C'était une année à groseilles rouges : "j'en ai cueilli autant
pour demain et on ne voit pas beaucoup que j'en ai
cueilli tellement les plantes sont chargées de fruits". Elle
a fait beaucoup de confitures. "Par contre les maquereaux
sont rongés des chenilles. Ils sont presque tout dépouillés".
Nous sommes en 1939, l'armée est déjà sur pied
de paix renforcé. Hélène parle de son fils Georges, militaire
conscrit. Il a une permission le dimanche de 8 h 30
à 21 h 30. Il est fatigué et il dort tout l'après-midi. Il est
prévu qu'il ne reviendra plus avant 15 jours "si cela ne
change plus". Elle évoque aussi sa petite fille : "Mimi se
plaît dans sa chaise et dort deux heures pour toute la
journée".
Elle continue sa lettre avec des nouvelles de ses bêtes
pour qui elle a "fait faner l'herbe qui sera à point". Elle
parle des fruits du verger : pommes, poires, noisettes,
reines-claudes... Elle pose aussi des questions à sa fille
pour savoir si elle a été bien payée pour un travail "à
servir des cornets". Elle pense aussi à la fatigue de sa fille
qui doit faire des conserves. Mais surtout, elle termine en
lui rappelant à nouveau de soigner ses yeux : "ne fixe pas
trop quand tu regardes, ne force surtout pas". Ces derniers
mots : "Un bon baiser de tous, M.(maman)", montre bien
le caractère affectueux de son courrier.
A notre époque, qui écrit encore des lettres manuscrites à
ses enfants ? Les SMS, les courriels ne laisseront pas de
traces des préoccupations des générations de 2013. Et que
dire des contenus, précieux pour les destinataires, qui
évoquent la simplicité du quotidien et qui témoignent tant
d'attentions à une époque où les communications étaient
rares en fonction des distances? Le jardin et l'élevage étaient
les centres d'intérêt ainsi que la constitution de réserves
alimentaires (confitures et conserves) pour l'hiver
suivant.
Source : P. Olbrechts Le Bousvalien 06/2013
Philippe Pierre
Des Bousvaliens de tous âges nous ont suggéré
d’entamer une chronique de témoignages d'anciens du
village. Nous commençons par Philippe Pierre, né en
1946, fils du premier pharmacien de Bousval. Il y a
habité jusqu'au début des années 1970.
La place publique est souvent le théâtre des
événements, petits et grands, de la vie d’un village.
C’est ce fil conducteur que nous avons choisi pour
évoquer des souvenirs de notre jeunesse à Bousval
dans les années cinquante et soixante.
A tout seigneur, tout honneur. Nous débuterons ce
bond dans le passé par les deux grosses personnalités
qui ont marqué cette tranche de l’histoire de Bousval.
Il s’agit de Freddy Baillien et de Georges Gossiaux.
Le 17 juillet 1960, l’enfant du pays, Freddy Baillien,
célébra sa première messe à Bousval. Pour fêter
l’événement, les autorités communales, conduites par
le bourgmestre Georges Gossiaux, avaient tenu à
rassembler les habitants sur la place Communale. Ce
fut un grand moment suivi par une foule nombreuse.
Des personnes de tous bords et de toutes convictions. Il
faut dire que Freddy Baillien était un homme hors du
commun. Aussi à l’aise avec les notables du coin
qu’avec les gens du peuple. Un prêtre sans oeillères qui
n’hésitait pas à assister aux funérailles civiles par
sympathie pour la famille du défunt. Cet
anticonformisme le caractérisa durant toute sa vie.
Ainsi, lors de ses cinquante ans de prêtrise en 2010,
c’est en wallon qu’il célébra la messe de la Saint-
Barthélemy. Ainsi encore, en guise de préparation au
mariage, il nous envoya, ma future épouse et moimême,
nettoyer une maison mise à sac par son
occupant dans une crise de colère…
Très attaché au patrimoine local, Freddy Baillien
multiplia les initiatives pour sauvegarder nos traditions.
C’est ainsi, notamment, qu’il fut l’un des fondateurs
des Amis de Bousval qui jouèrent par la suite un rôle
essentiel dans le tissage des liens entre les habitants du
centre et des différents hameaux. Jusqu’au bout – il
décéda en 2011 à 77 ans – Freddy Baillien conserva
son esprit frondeur, teinté d’autodérision. « Je suis
encore vicaire, disait-il, mais également enfant de
choeur, sacristain et… rustine ».
Georges Gossiaux, lui aussi, porta les Amis de Bousval
sur les fonts baptismaux. Tombé dans la marmite bleue
dès l’enfance, il fut mandataire politique pendant 54
ans. Comme bourgmestre, il présida aux destinées de
Bousval de 1958 à 1976. On lui doit entre autres les
routes reliant Bousval, le Sclage, La Motte et Pallandt,
la restauration de bâtiments communaux (église,
écoles, presbytère…) ainsi que la construction d’un hall
sportif qui porte son nom. Les anciens ont encore en
mémoire la lutte épique qui l’opposait à chaque
élection à son éternel adversaire politique, le social-chrétien
Georges Devillers.
Professeur de mécanique à l’école technique
provinciale de Court-Saint-Etienne, Georges Gossiaux
était un passionné de courses automobiles. Il participait
à des rallyes au volant de sa Peugeot. Il organisa même
des courses de côte dans les bois de La Motte ; ces
épreuves connurent une existence éphémère à la suite
des protestations des riverains.
Un autre Georges, Deltour, marqua également la vie du
village. Instituteur en chef de l’école communale, il
était la mémoire vivante de Bousval dont il écrivit
l’histoire dans son livre « Si Bousval m’était conté »
sorti en 1956. Les Bousvaliens y retrouvent leurs
racines, ce qui explique le succès de cet ouvrage qui
vient d’être réédité pour la deuxième fois en 2012.
Du temps de notre jeunesse, les distractions n’étaient
pas légion à Bousval. Cependant on se contentait de ce
qu’on avait : des « tours secrets » à vélo, des parties de
tennis de table au café Gossiaux (aujourd’hui l’En-
Quête du Goût) et, par temps de neige, les descentes en
traîneau qui nous menaient d’une traite de la chapelle
du Try-au-Chêne aux portes du château ; c’était la côte
Borremans du nom de l’ancien exploitant de la ferme
de la Baillerie. Lors de la kermesse de Bousval, notre
attraction favorite était les balançoires tenues, sur la
place de la Gare, par un rouquin au visage de clown
triste. Les plus audacieux faisaient le tour complet dans
leur balançoire non sans avoir préalablement attaché
leurs chaussures à une chaîne arrimée au plancher.
Pendant les vacances d’été, nous allions coller des
étiquettes sur les bouteilles (Ah, ce soda pétillant à
l’ananas !) des Sources de Bousval appartenant à la
famille du médecin du village, Marcel Dethier. Grand
amateur de boxe, ce dernier nous emmenait à la salle
de Genappe lorsque Marcel Limage y livrait un
combat. La salle était comble pour voir boxer ce
colosse, gloire locale de Bousval qui conquit le titre de
champion d’Europe des mi-lourds chez les amateurs au
début des années cinquante.
Les appareils de télévision étaient très rares dans les
familles à l’époque : aussi, quand il y avait un
événement télévisé, on se retrouvait en nombre au café
Patria (actuellement la Superette sur la place
Communale). On assista ainsi au match de Coupe
d’Europe, Standard – Stade de Reims, le 4 février
1959, remporté par les Liégeois sur le score de 2-0
mais au retour de ce quart de finale, les Français prirent
leur revanche au Parc des Princes sur la marque de 3-0.
On eut aussi l’occasion de supporter devant le petit
écran de Patria, le Bousvalien Guy Coclet dont la
grande culture générale lui permit de briller à un jeu
télévisé, genre « Questions pour un champion »…
Quant aux amateurs de sport, leur attente fut enfin
récompensée en 1965 lorsque Serge Hendrickx et Jean-
Pierre Deconinck créèrent un club de volley-ball. Ces
pionniers jouèrent en plein air et par tous les temps sur
la terre battue de la place Communale avant de trouver
refuge dans la salle Gossiaux à la fin des années
septante.
Dix ans avant la création du club, c’est le cinéma
Casino – autrefois le Winston – qui avait cédé la place
à une pharmacie. Venu de Wavre, Eugène Pierre avait
ouvert une officine à Bousval au début de la seconde
guerre mondiale. Elle était située dans le haut du
village à côté de la boucherie Richard et de la maison
du docteur Marcel Dethier, aujourd’hui propriété
d’Armand Delcampe, directeur de l’Atelier Théâtre
Jean Vilar à Louvain-la-Neuve. Le bistrot du cinéma
fut transformé en pharmacie et la salle en maison
d’habitation. Une partie de l’immeuble fut abattue pour
faire place à une grande cour. Quant à l’arrière du
bâtiment, il fut aménagé en garage et en buanderie. Audessus
de ceux-ci, subsista une salle que nous
appelions « la cabine » puisque c’était de là que les
films étaient projetés.
Eugène Pierre était un pharmacien à l’ancienne.
Entendez par là qu’il était de garde en permanence.
Chaque dimanche matin, il ouvrait son officine pour
permettre aux habitants des hameaux de faire d’une
pierre, deux coups : assister à la messe et se procurer
les médicaments dont ils avaient besoin. Quand on
demandait au pharmacien Pierre les raisons pour
lesquelles on venait sonner à sa porte la nuit, il
répondait que la cause la plus fréquente était un
biberon cassé. Il en donnait alors deux au client.
« Comme cela, disait-il, la prochaine fois, vous ne me
dérangerez plus la nuit… ».
Source : Philippe Pierre Le Bousvalien 03/2013
|